Eric Maestri (1980)
Celestografia (2011)
... musica musicans, for voice, violin, piano and two synthesizers
electronic work, Ircam
Ircam cursus
- General information
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Composition date:
2011
- Duration: 23 mn
- Publisher: Suvini Zerboni, Milan
-
Composition date:
2011
- Type
- Vocal music and instrument(s) [Solo voice and ensemble of up to 9 instruments]
Detailed formation
- soloist: solo soprano
- violin, piano, electronic/MIDI keyboard/synthesizer [2 synthétiseurs, 1 interprète]
Premiere information
-
Date:
18 June 2011
Location:France, Paris, festival Agora, Centre Georges Pompidou, grande salle
Performers:Elisabeth Calleo : soprano et l'ensemble musikFabrik, direction : Enno Poppe.
Information on the electronics
Studio information: Ircam, Cursus II composition et informatique musicale.
RIM (réalisateur(s) en informatique musicale):
Eric Maestri,
Emmanuel Jourdan (encadrement pédagogique)
Electronic device: temps réel, amplification, sons fixés sur support
Program note
Eric Maestri, à quoi se rapporte le titre de votre nouvelle pièce, « Celestografia », littéralement « dessin céleste » ?
La « célestographie » est une technique photographique qui consiste à retravailler, à la peinture, des plaques métalliques iodées, préalablement exposées à la lumière du ciel étoilé (sans utilisation de lentille ou d’objectif). Mise au point par August Strindberg – si on le connaît surtout comme dramaturge, Strindberg était aussi photographe et peintre, ce qu’on sait moins –, cette technique annonce d’une certaine manière l’expressionnisme abstrait américain, à la différence que ce sont là des interprétations psychologiques des couleurs et des formes, comme un protoexpressionnisme. C’est la deuxième pièce que j’écris avec ce titre. Bien que très différentes, les deux partitions ont en commun une même démarche, un même point de vue existentiel sur la musique et une même logique musicale qui est celle d’une exploration des automatismes du compositeur (moi, en l’occurrence).
En quoi cette démarche compositionnelle s’apparente-t-elle à la technique photographique développée par Strindberg ?
Chez Strindberg, la peinture du ciel (matériel céleste) est interprétée par le peintre, qui y projette en sus sa propre psyché. Ma démarche est exactement la même : je substitue seulement au matériau primaire qu’est le ciel les attentes sociales quant à la musique. La photographie n’est plus celle de la voûte céleste, mais celle de l’espace social ou de l’espace public. Assez figurative, ma musique tisse une forte relation entre espace externe (logique sociale de l’écoute quant aux formes musicales et aux relations avec le public) et espace interne. Les stratégies publiques deviennent stratégies privées. Je joue ainsi avec les attentes du public, pour dévoiler la musique par la musique, l’art par l’art.
Cette idée de « musique dévoilée par la musique » renvoie au sous-titre de l’œuvre : musica musicans…
La « célestographie » est une technique photographique qui consiste à retravailler, à la peinture, des plaques métalliques iodées, préalablement exposées à la lumière du ciel étoilé (sans utilisation de lentille ou d’objectif). Mise au point par August Strindberg – si on le connaît surtout comme dramaturge, Strindberg était aussi photographe et peintre, ce qu’on sait moins –, cette technique annonce d’une certaine manière l’expressionnisme abstrait américain, à la différence que ce sont là des interprétations psychologiques des couleurs et des formes, comme un protoexpressionnisme. C’est la deuxième pièce que j’écris avec ce titre. Bien que très différentes, les deux partitions ont en commun une même démarche, un même point de vue existentiel sur la musique et une même logique musicale qui est celle d’une exploration des automatismes du compositeur (moi, en l’occurrence).
En quoi cette démarche compositionnelle s’apparente-t-elle à la technique photographique développée par Strindberg ?
Chez Strindberg, la peinture du ciel (matériel céleste) est interprétée par le peintre, qui y projette en sus sa propre psyché. Ma démarche est exactement la même : je substitue seulement au matériau primaire qu’est le ciel les attentes sociales quant à la musique. La photographie n’est plus celle de la voûte céleste, mais celle de l’espace social ou de l’espace public. Assez figurative, ma musique tisse une forte relation entre espace externe (logique sociale de l’écoute quant aux formes musicales et aux relations avec le public) et espace interne. Les stratégies publiques deviennent stratégies privées. Je joue ainsi avec les attentes du public, pour dévoiler la musique par la musique, l’art par l’art.
Cette idée de « musique dévoilée par la musique » renvoie au sous-titre de l’œuvre : musica musicans…
Musica musicans fait référence au Natura naturans de Spinoza (la nature en elle-même). Pour moi, elle signifie simplement l’acte de composer : on part d’une idée sans savoir où elle nous mènera. La composition va bien au-delà de la fiction.
C’est également chez Spinoza que vous avez pris le texte chanté : la pensée de Spinoza vous accompagne-t-elle depuis longtemps ?
Quelques années. La philosophie fait partie de mon bagage intellectuel et culturel – j’ai fait des études de philosophie en parallèle à mes études musicales. Je l’ai laissée de côté car son mode de pensée purement analytique m’apparaissait alors comme inhibiteur du travail artistique.
Comment exploitez-vous le texte de Spinoza ?
Il est intégré au processus de composition et se soumet à l’écriture. Ainsi, pour des raisons musicales, le texte est traduit en italien. Plutôt que mis en musique, il est décomposé par la musique. Partant du texte intégral, le processus de composition musicale a exigé de l’élaguer, jusqu’à n’en garder que quelques bribes. Il ne faut pas espérer comprendre le texte chanté : des sept propositions de L’Ethique que j’avais choisies au départ, je n’en ai exploité que trois, et il n’en reste plus que quelques mots voire quelques syllabes.
S’il n’est pas compréhensible, pourquoi avoir gardé ce texte de Spinoza ?
Parce que l’idée musicale me vient de lui, tout simplement. Même si le texte n’a pas de sens dans la partition, il a une logique musicale.
Quel est le rôle de l’électronique au sein de ce projet compositionnel – ce jeu avec les attentes du public ?
L’électronique en est protagoniste à part entière. Son rôle est d’interrompre le cours du discours, celui de la voix ou celui des instruments. Lorsque l’on regarde un tableau cubiste, on tombe parfois sur une perspective totalement inattendue et le regard se brise à cet endroit-là : de même, par la surimposition de ses timbres souvent étranges, l’électronique est ici catastrophe, au sens de rupture, de cassure de la forme. Par exemple, des sons diffusés par des haut-parleurs placés dans la caisse du piano, avec la pédale forte enfoncée, font sortir de l’instrument des couleurs tout à fait inattendues, pleines d’harmoniques, tout en localisant très précisément le son.
En quoi consiste justement l’électronique ?
Le gros défi a été de créer les deux synthétiseurs, joués par la même personne sur deux claviers placés sur scène avec les autres instrumentistes. Le premier est un synthétiseur vocal. Il figure un « chœur » – principalement construit à partir d’échantillons de la voix de la chanteuse – et est diffusé sur des enceintes juste derrière les claviers (il n’y a pas de spatialisation, tout est frontal). Le second est un plus « instrumental » : je le réalise entièrement en essayant de lui donner une identité propre. Enfin, une troisième électronique plus « orchestrale » vient compléter le tableau.
Comment l’électronique s’insère-t-elle au sein de l’ensemble, qui est somme toute essentiellement chambriste : voix, piano et violon.
J’ai justement voulu préserver ce caractère chambriste. J’y tiens : j’aime la nudité du musicien dans la formation de chambre.
Pourquoi travailler avec des synthétiseurs ?
L’avantage énorme que présente la synthèse sonore, c’est de pouvoir composer en entendant des sons. Au surplus, ce sont des sons que l’on façonne nous-mêmes : on utilise alors l’électronique comme un piano ou un violon, en apprenant sa technique.
Propos recueillis par Jérémie Szpirglas, Agora 2011.