[Nous avons conservé la disposition originelle des vers, de manière à faire ressortir le travail de recomposition auquel a procédé Emmanuel Nunes. Selon sa propre expression, le texte apparaît ainsi «comme une fresque effacée».]
I - Le Départ
(V. 1)
(...) nous ouvrîmes nos ailes au souffle d'un vent serein et tranquille, et nous éloignâmes du port chéri. (...) en déferlant la voile, nous frappâmes le ciel (...). Bientôt le vent imprimait à nos quilles son mouvement ordinaire.
(I. 19)
Déjà ils naviguaient sur le large Océan, écartant les flots tourmentés ; les vents soufflaient doucement (...) ; on voyait une blanche écume couvrir la mer (...)
(II. 67)
(...) les proues effilées fendaient les voies humides de la mer argentée ;
(V. 2)
(...) le monde que le temps consume, se traînait, faible et lent, dans le sixième âge.
(I. 29)
(...) éprouvé tant de climats et tant de cieux, tant de fureur des vents contraires, (...)
(I. 27)
(...) en affrontant la mer hasardeuse sur un bois léger, (...) il porte ses desseins audacieux à voir le berceau où naît le jour.
(V. 3)
(...) nous n'eûmes plus devant nous que la mer et le ciel.
(II. 1)
(...) l'astre lumineux sur qui se règlent les heures du jour, parvenait à la borne désirée et lente à atteindre, dérobant aux humains la lumière céleste (...)
(I. 56)
(...) Phébus avec son char de cristal enferma dans les eaux le jour clair, laissant à sa soeur le soin d'éclairer le vaste monde, tandis qu'il prendrait du repos.
(V. 14)
Déjà nous avions découvert face à nous, dans le nouvel hémisphère, une nouvelle étoile, inaperçue d'autres peuples (...)
(I. 28)
(...) ils acquièrent pour longtemps la maîtrise de la mer qui voit le seuil empourpré du soleil.
(II. 63)
Poursuis ta route le long de la côte, et tu trouveras une autre terre plus sincère, tout près de la ligne où le soleil flamboyant égale en durée le jour et la nuit.
(VI. 9)
Là, le fond de la mer, que nul n'a dévoilé, découvre ses sables d'argent fin. (...) de hautes tours à la masse transparente et cristalline.
(VI. 8)
Dans le recoin le plus secret des cavernes profondes et creuses où la mer vient se tapir, (...) s'échappent ses ondes furibondes, lorsque la mer répond au courroux des vents (...)
(VI. 10)
Les portes d'or fin incrustées de ces précieuses perles qui naissent dans les écailles étaient merveilleusement ouvragées (...). Il y voit d'abord, représentée en couleurs variées, l'image confuse de l'antique Chaos, puis la figuration des quatre éléments accomplissant leurs divers offices.
(II. 110)
(...) le vent dort, la mer et les ondes reposent.
II - «Possessio maris»
(VI. 70)
Alerte ! (...) le vent grossit du côté où surgit cette nuée noire !
(VI. 71)
(...) ferle la grand'voile ! Les vents exaspérés ne leur laissent pas le temps (...) mais (...) la mettent en pièces, avec un tel fracas que le monde entier semble crouler.
(VI. 72)
Alors les hommes frappent le ciel de leurs cris, (...) la grand'voile en se brisant a couché la nef où s'engouffre une grande masse d'eau. (...) largue tout à la mer ! et du sang-froid ! (...)
(VI. 79)
Leurs puissantes racines n'auraient pas cru qu'elles seraient jamais tournées vers le ciel, ni les sables profonds que la mer aurait assez de force pour les arracher vers le haut !
(VI. 75)
(...) l'équipage (...) de vaines clameurs exhale vers le ciel (...)
(VI. 76)
(...) ils descendaient jusqu'au fond des abîmes. Notus, Auster, Borée, Aquilon voulaient ruiner la machine du monde. La nuit noire (...) s'illumine d'éclairs qui embrasaient tout le ciel.
(V. 18)
J'ai vu, clairement vu, la vive aigrette que les gens de mer tiennent pour sacrée, en temps de tourmente et de vent rebelle, de noire tempête et de tristes sanglots, (...) les nuées de la mer pomper, par un large tube, les eaux profondes de l'Océan.
(V. 21)
Comme la pourpre sangsue, collée au mufle de la bête (qui par mégarde, en buvant, l'a retirée de la fraîche fontaine) étanche avec du sang étranger sa soif ardente ;
(V. 22)
(...) aux ondes elle restitue l'onde qu'elle a pompée, mais elle lui retire et ôte la saveur du sel.
(V. 23)
Quelle influence des signes et des astres ! Que d'étrangetés, que de grandes qualités !
(VII. 43)
Sans hâte, les rames frappent en cadence, d'abord la mer, puis les eaux fraîches du fleuve.
(V. 24)
(...) de la hune aérienne (...) «Terre ! Terre !» A bord, les équipages en émoi bondissent, scrutant à l'est l'horizon.
(X. 147)
(...) offrant leurs corps aux faims, aux veilles, au fer, au feu, aux traits et aux boulets, aux chaudes régions, aux froids rivages, aux coups d'Idolâtres et de Maures, aux nouveaux périls du monde, aux naufrages, aux poissons, aux abîmes.
(IV. 83)
(...) pour s'attaquer à la Toison d'Or, sur la nef (...) prophétique qui la première osa tenter le Pont-Euxin.
III - Les deux visions
(III. 6)
Entre la zone que gouverne le Cancer, borne septentrionale du soleil éclatant, et celle dont les frimas sont aussi redoutés que les ardeurs de la zone équinoxiale, s'étend la superbe Europe (...)
(VII. 60)
(...) où le ciel agile, par rotation perpétuelle, cache à la terre la lumière solaire au moyen de la Terre elle-même, et plonge celle qu'elle a quittée dans la noire teinture de la nuit (...)
(III. 20)
(...) où la terre finit et où la mer commence (...)
(IV. 68)
(...) Morphée lui apparaît sous des formes variées.
(V. 37)
(...) cinq soleils étaient passés (...)
(V. 38)
(...) au loin, la mer assombrie grondait et rugissait (...)
(IV. 69)
(...) il montait si haut qu'il touchait à la première sphère, (...) tout près de l'endroit où naît le jour, (...) il vit de monts antiques, lointains et hauts, naître deux sources claires et profondes.
(V. 39)
(...) son visage était sombre, sa barbe repoussante, ses yeux caves, son maintien terrible et farouche, son teint terreux et pâle, ses cheveux souillés de terre et crépus, sa bouche noire et ses dents jaunes.
(IV. 71)
Il lui semble que, surgis des eaux, marchaient vers lui (...) deux hommes, (...) à la pointe de leurs cheveux, perlaient des gouttes qui baignaient tout leur corps : couleur de peau brune et noircie, barbe hirsute, non rasée, mais longue.
(IV. 74)
Je suis l'illustre Gange (...) Sans doute te coûterons-nous une dure guerre (...)
(IV. 73)
(...) il est temps pour toi d'envoyer recevoir de nos mains de grands tributs.
(V. 40)
Nos chairs se hérissent, et nos cheveux (...)
(V. 47)
Ils verront périr de faim leurs enfants chéris (...) ils verront les Cafres cruels et rapaces ôter ses vêtements à l'épouse gentille.
(V. 48)
Et verront (...) les deux misérables amants se perdre dans la forêt brûlante et implacable. (...) après avoir attendri les pierres par des larmes de chagrin et de désespoir, enlacés, ils libéreront leurs âmes de leur belle et misérable prison.
(V. 41)
(...) Ô peuple téméraire, (...) que guerres cruelles (...) et que de vains travaux ne laissent jamais en repos, (...) tu oses sillonner mes mers lointaines, (...) que jamais n'a labourées bois d'ailleurs ou d'ici,
(V. 44)
(...) vous verrez chaque année tant de naufrages et désastres divers accabler vos nefs que de tous les maux le moindre sera la mort.
(V. 59)
Ma chair se changea en pierre dure, mes os se firent rocher ; ces membres que tu vois, ce corps s'étendirent sur ces vastes eaux.
(V. 50)
Je suis cet occulte et grand cap (...)
IV - La guerre
(I. 90)
(...) ils marchent sur les pas de la victoire, fracassent et tuent. Ils bombardent, incendient et détruisent la bourgade sans murs et sans défense.
(X. 31)
Sa cuisse est emportée, un coup aveuglément tiré en disperse les débris ; mais il tire encore parti de ses bras valeureux, de son courage intact, jusqu'à ce qu'un autre boulet vienne rompre les liens qui unissent l'âme au corps ;
(I. 79)
(...) ces chrétiens sanguinaires, ils ont écumé presque toute la mer, par vols, et violents incendies ; (...) tous leurs desseins visent à nous tuer, nous voler, et capturer nos femmes et nos enfants.
(X. 32)
Pars en paix, âme, loin du tumulte guerrier où tu as mérité la paix sereine. Car au corps qui se présente en lambeaux celui qui l'engendra apprête déjà vengeance.
(X. 41)
(...) les montagnes de sel ne préserveront pas de la corruption les corps qui, tués au combat, couvrent le rivage et les flots de Gérum, de Mazcate et Calayate ;
(I. 106)
Sur mer, tant de tourmentes, tant de dommages, et la mort tant de fois préparée ! Sur terre, la guerre, les pièges, (...)
(V. 83)
(...) nous laissâmes pour toujours les compagnons (...). Comme la sépulture se donne facilement au corps ! Une onde marine, n'importe où, un tertre, en pays étranger, recevront les restes de tout homme illustre (...)
(V. 81)
(...) telle est (...) la condition avec laquelle nous naissons : le malheur aura constance, mais le bien change vite de nature.
(IV. 86)
(...) nous munissons notre âme pour la mort, (...)
V - «La machine du monde»
(X. 76)
(...) suivez-moi sans crainte ni faiblesse, mais avec précaution, dans ce mont boisé (...)
(X. 77)
(...) sur la haute cime (...) s'émaillait une plaine d'émeraudes et de rubis, (...) un sol divin (...) un globe suspendu en l'air, que la lumière éclatante traversait de part en part (...)
(X. 78)
(...) roulant sur lui-même il s'abaisse ou s'élève, jamais il ne monte ni ne descend, de tous côtés il présente même face ; et par oeuvre divine il commence et finit partout,
(X. 88)
Regarde (...) les figures que dessinent les étoiles resplendissantes. (...) le Chariot, (...) Cynosure, Andromède et son père, et l'effrayant Dragon. Vois la splendeur de Cassiopée et le front tourmenté d'Orion. (...) le Cygne qui meurt en soupirant, le Lièvre et les Chiens, le Navire et la Lyre mélodieuse.
(X. 90)
Tu verras tous ces orbes animés d'un mouvement différent, lent chez les uns, agile chez les autres. Tantôt ils s'élancent loin du centre et tantôt sont à brève distance de la Terre ;
(X. 79)
Uniforme, parfait, trouvant appui en soi-même, (...) l'archétype (...). A tes regards j'offre ici (...) l'image du monde : ainsi tu pourras voir où tu vas et iras, et ce que tu désires.
(X. 80)
Tu vois ici la grande machine du monde, éthérée et élémentaire (...) sans principe ni terme. (...) ce qu'est Dieu, nul ne l'entend : car la science humaine ne s'étend pas jusque là.
(X. 81)
(...) une lumière si radieuse qu'elle éblouit le regard et l'humble entendement, se dénomme Empyrée ;
VI - «Infortuné destin ! Etrange condition !»
(IV. 92)
Et les larmes coulaient sur la grève, aussi nombreuses que les grains de sable blanc qu'elles baignaient.
(IV. 98)
(...) toi, génération de cet insensé dont la coupable désobéissance (...) t'a condamnée à un sombre exil, (...) t'a tant déchue de cette paisible et simple innocence, l'Âge d'or, qu'elle t'a jetée dans celui du fer et des armes ;
(IV. 95)
Ô gloire de commander ! ô vaine convoitise de cette vanité qu'on appelle Renommée ! (...) Quelles morts, quels périls, quelles tourmentes, quelles cruelles souffrances n'essayes-tu pas sur eux !
(IV. 101)
Tu cherches le péril, incertain et inconnu, pour que la Renommée te chante et te flatte, en te nommant seigneur, (...)
(IV. 104)
Infortuné destin ! Etrange condition !
(IV. 102)
Ah ! maudit soit le premier au monde qui mit à la mer une voile dressée sur un bois sec ! (...) Que jamais esprit noble et profond, cithare sonore ou génie inspiré ne te confèrent à ce titre gloire ou immortalité !
«Os Lusíadas»