Fausto Romitelli (1963-2004)
EnTrance (1995)
pour soprano, ensemble et électronique
œuvre électronique, Ircam
- Informations générales
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Date de composition :
1995
- Durée : 18 mn
- Éditeur : Ricordi, Milan, nº R 2744
- Commande : Ircam-Centre Pompidou
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Livret (détail, auteur) :
extrait du Livre de morts tibétains
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Date de composition :
1995
- Genre
- Musique vocale et instrument(s) [1 voix soliste et ensemble de 10 à 25 instruments]
- flûte (aussi flûte basse), hautbois (aussi cor anglais), clarinette (aussi clarinette basse), basson (aussi harmonica), cor (aussi harmonica), trompette, trombone (aussi harmonica), percussionniste, piano (aussi clavier électronique/MIDI/synthétiseur), clavier électronique/MIDI/synthétiseur, violon, violon II, alto, violoncelle, contrebasse à 5 cordes
Information sur la création
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Date :
26 janvier 1996
Lieu :Paris, Ircam, Espace de projection
Interprètes :Françoise Kubler : soprano, Ensemble intercontemporain, direction : Ed Spanjaard.
Information sur l'électronique
Information sur le studio : Ircam
RIM (réalisateur(s) en informatique musicale) :
Laurent Pottier
Observations
voir sur le site du Grame l'analyse de la pièce par Laurent Pottier (lien vérifié en août 2012)
Note de programme
EnTrance est une œuvre pour soprano, ensemble et électronique, commandée par l'Ircam et réalisée dans ses studios en 1995 avec Laurent Pottier, assistant musical.
J'ai conçu cette pièce musicale comme s'il s'agissait d'un rituel permettant d'entrer en transe. La voix fait alterner inspiration, dans un microphone situé à gauche du visage, et expiration, dans un autre situé à droite. Ce mouvement, inspiration-expiration de paroles sacrées monosyllabiques, son accélération et les rotations de la tête dont il s'accompagne, rappellent les rites de certaines musiques traditionnelles qui favorisent l'entrée en transe en s'appuyant aussi sur des facteurs d'ordre physiologique, telle l'hyper ventilation durant l'accélération de la respiration, autrement dit une oxygénation maximale du cerveau. L'évolution du rythme respiratoire de la voix scande celle du rythme harmonique de l'ensemble instrumental, ainsi que les transformations de densité et de volume.
La pièce a une forme cyclique, et chaque cycle est divisé en trois états.
1. Respiration lente et régulière, polarisation harmonique, registres instrumentaux gelés, fusion : situation homéostatique, immobile, suspendue. Souffle.
2. Respiration accélérée, temps d'inspiration toujours plus bref, crescendo dynamique et agogique, croissance exponentielle de la densité et des volumes, accélération du rythme harmonique et de distorsion, accentuation des transitoires d'attaque au point de produire une perturbation et une distorsion dans la perception des hauteurs.
3. Articulation rapide et violente, fin du mouvement inspiration-expiration dans la voix, nouvelle polarisation et régularité extrême du rythme harmonique devenant presque hypnotique, aucune fusion des instruments mais un unique geste furieux.
Fin du cycle et début du suivant.
Du point de vue phonologique, le passage du 1 au 3 correspond à une évolution non linéaire qui, d'une situation caractérisée par des voyelles diffuses, graves (les u, e, o italiens), associées à des consonnes nasalisées (m) et fricatives (s,vs), mène à une situation dans laquelle apparaît une voyelle compacte (a), associée à des consonnes occlusives (k, p) et vibrantes (r).
En ce qui concerne la relation entre la voix, les instruments et l'électronique, nous avons, d'une part, une parfaite cohérence du point de vue du matériel harmonique, les fréquences étant les mêmes dans les sons de synthèse et dans l'ensemble, avec, toutefois, respectivement une densité harmonique majeure et mineure ; et, de l'autre, un univers électronique dont la nature tranche radicalement sur celui des instruments acoustiques, et ce afin de créer un monde sonore parallèle qui soit énigmatique, déroutant, « autre », comme l'est au fond le son d'un orgue dans une église. Les sons électroniques sont donc pour la plupart des sons de synthèse, et lorsqu'il y a traitement de sons acoustiques, ceux-ci sont produits et échantillonnés par des instruments qui ne figurent pas sur la scène : flûte à bec, contrebasse, basse et guitare électriques. Il n'y a aucun traitement de sons vocaux.
La voix, quant à elle, qui ne peut être qualifiée de « soliste » dans le sens traditionnel de ce terme, s'enfonce et émerge du son de l'ensemble. Durant toute la pièce, elle inspire, expire et chante un mantra de 15 syllabes tiré du Livre des morts tibétain.
Enfin, je voudrais souligner un point, qui apparaîtra sans doute comme une contradiction mais dont je souhaite néanmoins faire la condition essentielle de mon travail : si d'un côté tous les processus formels d'articulation harmonique et de transformation du timbre ont été élaborés par ordinateur, grâce à une bibliothèque de fonctions que j'ai créée en Common Lisp durant mes deux séjours de recherche à l'Ircam, dans l'équipe Représentations musicales dirigée par Gérard Assayag ; de l'autre, composer ce type de musique implique, selon moi, que l'on abandonne toute volonté dialogique, discursive, dialectique et purement formelle, au profit d'une volonté de présence sonore, immobile et continue, hypnotique, sphérique et roulant dans le temps et dans l'espace.
On cherchera en vain dans cette pièce élégance et harmonie de proportions, équilibre formel et transformations graduelles et linéaires. En revanche, j'ai exhibé l'aspect obsessionnel et violent, répétitif et visionnaire, oscillant entre une extrême densité et une extrême raréfaction.
« La musique savante manque à notre désir », ainsi que le disait Rimbaud.
Fausto Romitelli, programme du concert de création, le 26 janvier 1996, Ircam, Espace de projection.
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