Robert HP Platz (1951)

Branenwelten 6 (2011 -2012)

pour piano et électronique

œuvre électronique, Ircam

  • Informations générales
    • Date de composition : 2011 - 2012
    • Durée : 15 mn
    • Commande : Ircam-Centre Pompidou, ECLAT Festival Neue Musik Stuttgart et CMMAS Morelia
Effectif détaillé
  • piano

Information sur la création

  • Date : 12 février 2012
    Lieu :

    Allemagne, Stuttgart, Eclat Festival Neue Musik


    Interprètes :

    Nicolas Hodges.

Information sur l'électronique
Information sur le studio : Ircam
RIM (réalisateur(s) en informatique musicale) : Robin Meier
Dispositif électronique : temps réel

Note de programme

Branenwelten, littéralement « les mondes desbranes », fait référence à une théorie cosmologique. Découlant de la théorie des cordes — laquelle a été imaginée pour réconcilier la mécanique quantique et la relativité générale, et unifier les quatre interactions élémentaires connues (interaction nucléaire forte, interaction électromagnétique, interaction nucléaire faible et la gravitation) —, la théorie des branes suggère l’existence d’un super-univers, dont notre univers visible ne serait qu’une partie. Il y aurait donc hypothétiquement un nombre infini d’univers évoluant de manière indépendante : nous habiterions un « multivers ».

Préoccupé depuis ses débuts par la polyphonie et l’occupation de l’espace sonore, Robert HP Platz a trouvé là une source d’inspiration suffisamment riche pour nourrir un cycle de six pièces dont les quatre premières — respectivement pour cordes, flûte solo, trio d’anches et trio de cuivres — ont été créées successivement depuis 2009. Le cinquième volet, créé en mars 2013, est joué sur une boîte de bois construite spécialement pour l’occasion et munie d’un dispositif électronique, mais sans haut-parleur. À l’image de la théorie des branes, les six pièces peuvent être jouées indépendamment ou simultanément.

« Depuis mes débuts, la polyphonie me fascine, dit Robert HP Platz. Ce n’est plus la polyphonie traditionnelle, cela se passe à un autre niveau, mais s’élabore sur les mêmes bases : le contrepoint, la variété des voix et des couches. Ma réflexion a commencé dès les années quatre-vingt, avec une simple question : pourquoi dois-je terminer le premier mouvement avant d’entamer le deuxième ?

« Chez Palestrina, l’univers musical coloré et multiforme naît de la variété des voix uniques qui se superposent, dans une technique canonique, qui semble un miroir de la cosmologie de l’époque. Aujourd’hui, je m’empare de la cosmologie de mon temps, mais en inversant son mode de pensée : je construis une unité à partir de couches différentes. Quand on écoute une des pièces, seule, on a du mal à l’imaginer jouée en simultanée avec les autres. Et pourtant. »

En vérité, Robert HP Platz ne travaille qu’à une seule et unique œuvre depuis 1989. Un paysage vaste qui se décompose en une myriade de partitions individuelles, que l’on peut jouer ensemble, superposées, en tuilages — dans une organisation prédéterminée par le compositeur. Un large réseau dont le cycle Branenwelten est l’un des nœuds essentiels.

Cette idée de plusieurs pièces jouées simultanément soulève bien naturellement la question de l’occupation de l’espace sonore. En ce sens, Branenwelten 6 a été l’occasion pour Robert HP Platz d’expérimenter l’unification des sources sonores acoustiques et électroniques : tous les sons (sons traités inclus) proviennent du piano lui-même.

Depuis trente ans, le compositeur abandonne ainsi peu à peu la conception traditionnelle de l’espace acoustique. Dans Raumform (1982), pour clarinette seule, déjà, il recherchait ses effets acoustiques en incluant dans sa réflexion compositionnelle la résonance du corps du musicien et de l’auditeur. Dans Branenwelten 6, Platz et son réalisateur en informatique musicale Robin Meier, ont disposé des transducteurs dans le piano lui-même, pour transformer directement les qualités de résonance de l’instrument. Rien n’est simulé par l’informatique musicale, ce sont les actionneurs — au nombre de deux, placés aux deux bouts de l’instrument — qui se chargent des effets à la source. Une idée que Platz aimerait explorer plus avant avec d’autres instruments, comme la guitare (abolissant au passage le distinguo entre guitare acoustique et guitare électrique) et autres instruments à cordes.

Ce dispositif permet un travail de fond sur la résonance — produisant tour à tour des atmosphères fantastiques, faites de quelques notes perlées et de stases, et de passages surexcités — et sur des sons inouïs de piano — comme ces effets de percussions, ces sons presque muets, à peine perceptibles, qui concluent la partition.

Jérémie Szpirglas, création française, festival ManiFeste, 1 juin, 2013.