Pierre Alferi
flute, clarinet, trumpet, trombone, violin, viola, cello, double bass
	La Fondation Royaumont avait souhaité susciter par l’initiative « Carnet de notes », la rencontre entre des poètes contemporains et des compositeurs, et, par-delà des élections réciproques, des « mariages », des œuvres musicales.
Sur-le-Champ résulte du choix que j’ai fait de Pierre Alferi après avoir lu son premier livre de poésie : Les allures naturelles.
J’utilise à vrai dire dans cette œuvre deux textes de Pierre Alferi. L’un qu’il a écrit spécialement pour cette occasion, et un autre écrit auparavant pendant une résidence à l’Abbaye de Royaumont : Sur place, un texte procédant par arborescences et proposant au lecteur plusieurs parcours possibles (ce qu’Alferi appelle « une fuite immobile »).
Dans le texte qu’il a écrit pour notre œuvre commune (Sur-le-Champ), l’idée est semblable et autres ; c’est, comme je le lui avais demandé, une voix, une seule voix au sens poétique (il n’y a pas de caractères, de personnages), mais une énonciation sans cesse frangée d’alternatives, de précisions, de retours en arrière — (ce qu’Alferi appelle un « retard instantané ») —, comme une sorte de bégaiement du sens en accord total avec le projet musical : que les quatre voix du quatuor n’en soient qu’une, qu’un sens, une forme se compose tout en se désécrivant à mesure.
Nous souhaitions qu’il en résulte une œuvre rapide, légère, elliptique, une sorte de bref opéra à numéros, ou plutôt de revue de music-hall dont le principe serait un jeu de l’oie poétique, un divertissement ponctué d’intermèdes instrumentaux. La forme de la pièce est indiquée avec une présentation ramassée du texte que l’on trouvera ci-après.
Le texte que l’on pourra lire permet de suivre le déroulement de la forme, mais résulte du choix de la découpe que la règle du jeu et la bienveillance patiente de Pierre Alferi m’ont concédé. Ce n’est donc pas exactement un texte de lui, mais un texte tiré d’une proposition qu’il m’avait faite, plus vaste et plus complexe ; dépassant de beaucoup en volume et en importance ce que j’ai extrait pour les besoins de l’œuvre musicale. Mais cela, c’est la tyrannie habituellement soustractive que la musique fait peser sur le texte d’où il résulte que les poètes, non sans raison, se méfient des musiciens.
Gérard Pesson.
I) Sur place
a) sauvons sauvons sauvons sauvons-nous
sans sortir
sans lâcher cette forme
pas même en pensée    — dans le vol qu’elle simule
pas même en prenant le parti d’approfondir ou faire un pas
de plus qui ramène à la résidence que l’on reconnaît sur-la-champ
à la présence d’un observateur morne et sans cesse empêché
pas même en prenant le parti d’étendre une des quatre branches
de l’ici
pas même en pensée — dans le vol qu’elle simule
approfondir ou faire durer
pas même en pensée      	      — dans le vol d’un avion
— encore invisible filant droit
pas même en pensée —  	          dans le vol dont se voit une ombre pliée
— courant sur le relief
	sauvons-nous
— sans sortir
— sans décoller de ce plateau
	chaque proie trahit sa voisine
b)	interlude 1 (cordes – harmoniques)
c)	droit au but
	il faudrait ici d’un seul mot chinois dire
	n’y être pour rien ni personne	— repartir		— pour aller dans l’enclos
façon de rester là pour ne pas y rester
— le plus loin possible
— maintenant ou jamais
— pour aller au plus simple
	soit
	une simulation en grandeur apparente
	des intervalles qui s’amenuisent à l’horizon
expérience cruciale suivie d’un bref salut
II)	interlude 2 (humoresque – danse de bruits)
III) Sur-le-champ
a)		— encore un instant s’il vous plaît
	s’il vous plaît repoussons la feuille
	disons l’instant une feuille
	disons que s’inscrit en relief
	de quoi relever le point du temps
	à toi
	vas-y toi
	après toi
	non toi
— de répondre
	de quoi s’imaginer ouvrir un spectre
	desserrer l’échéance
	desserrer sans souffler mot
	la dépasser
	prenant en largeur du retard
	traînant en longueur		— prenant en largeur le peu de liberté qui reste
	le peu de liberté des apathiques
	traînant en longueur la réponse
	avant de montrer qui nous sommes
	patience
	rien en vous sera épargné
	de l’enfance aux années d’apprentissage
	forme du champ de course
	via menus faits qui ne trompent pas
	des correspondances qui supposent
	un caractère et de la suite dans les idées
	si la fin prévient
	tout arrive
— tourne court
	reste à creuser le lit en victime rêveuse
	attention
	quand fond sur elle un fou
— ami
	muni d’un pic à glace
	si la fin prévient
	tout arrive
	        — tourne court
	reste à creuser le lit du temps
	un laps
	en victime rêveuse
	au ralenti
b) interlude 3 (suraigus imperceptibles – sifflets  lointains)
c) air dit « de l’enfant béni »
	sa nonchalance d’enfant béni baigné dans l’air liquide
	une durée close
	la nuit du chasseur
	à qui rien de sérieux n’arrive —		jusqu’au dernier instant
Pierre Alferi.
Extrait du livret du CD Gérard Pesson, Editions Accord-Una Corda (Universal), n°4650798-2.
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