- General information
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Composition date:
1930 - 1931
- Duration: 12 mn 20 s
- Publisher: Inédit
- Opus: 18
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Composition date:
1930 - 1931
- Type
- Chamber music [2 violins, viola, cello]
- 1 violin, 1 second violin, 1 viola, 1 cello
Premiere information
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Date:
2 February 1932
Location:12e Concerts Montparnasse, Paris
Performers:Quatuor Vandelle
Table of contents
- Allegro scherzando
- Andante
- Allegro risoluto
Program note
Le Deuxième Quatuor à cordes en système de quarts de ton auquel Wyschnegradsky attribua le numéro d'opus 18 fut écrit au cours des années 1930 et 1931. Contrairement aux deux autres oeuvres qui, de l'avis du compositeur, appartenaient au genre du «quatuor à cordes», il fait appel à une division en mouvements (I Allegro scherzando, II Andante, III Allegro risoluto) ; avec ses deux mouvements rapides qui encadrent un mouvement lent, il n'appartient toutefois qu'indirectement à la tradition des quatuors à cordes classiques. Une analyse plus approfondie du Deuxième Quatuor montre qu'il se rapproche des oeuvres en un mouvement de Wyschnegradsky, compositions présentant également des zones lentes qui correspondraient au mouvement central de cette composition. Vus sous cet angle, les éléments formels utilisés dans les compositions pour quatuor à cordes se ressemblent beaucoup malgré le style musical différent et très éloigné de la tradition classique. Le fait que dans le Finale du Deuxième Quatuor le matériau thématique du premier mouvement soit repris non seulement comme une citation, mais comme élément structurel déterminant, prouve à quel point la dynamique formelle ressemble ici à celle d'une oeuvre en un seul mouvement. Des remaniements ultérieurs du Troisième Quatuor nous portent à penser que, si importante soit-elle, l'opposition entre un mouvement et plusieurs mouvements ne constituait pas pour Wyschnegradsky un critère essentiel dont il aurait fait dépendre sa conception de la substance de l'œuvre.
Si, contrairement au Premier Quatuor, le caractère rythmique marqué du matériau thématique permet la formation d'un passage Allegro, la structure du premier mouvement reste assez éloignée des modèles formels classiques. Le motif du début, qui est joué à deux reprises tel un motto, expose une grande partie du matériau musical de la composition. Et même si après un certain temps, un deuxième caractère semble s'imposer - le Premier Quatuor procède d'ailleurs de façon identique - sous la forme d'une mélodie plus longue confiée au premier violon (chiffre 8), il serait faux d'y voir le deuxième thème d'un premier mouvement de sonate. Il n'y a ni développement - comme dans le Premier Quatuor -, ni récapitulation, la reprise du début ayant une toute autre fonction. Le premier mouvement se tient grâce à des sections qui augmentent et diminuent alternativement la tension ; ces sections qui tendent à suspendre le travail motivique découlent pour la plupart du caractère rythmique - moins diastématique - du premier motif. Le passage mélodique reste un épisode qui par son contraste accentue davantage l'importance du rythme dans ce premier mouvement.
Le mouvement central est celui qui se rapproche le plus du «premier» Wyschnegradsky ; traditionnellement associé à un mouvement mélodique, il est toutefois dans le cas présent assez indéterminé de ce point de vue. Seuls les petits motifs et les fragments mélodiques donnent un contour diastématique à l'ensemble qui est structuré grâce à un mouvement de croches. Encore une fois ce sont les idées rythmiques qui prennent le dessus : les attentes de l'auditeur sont déçues, car le déroulement semble éveiller le sentiment d'unités de temps manquantes ou excédentaires. Une brèche s'ouvre dans le temps qui au premier mouvement s'écoulait inflexiblement ; le dernier mouvement reprendra le mètre rigide du début.
La dynamique formelle peu usitée est partiellement due aux quarts de ton qui jouent ici un rôle déterminant et que le compositeur utilise - autrement que dans le Premier Quatuor- pour créer de nouvelles échelles. Le motif initial avec ses deux tierces décalées d'un quart de ton témoigne de la modification du concept. La fin techniquement difficile avec ses paires de tierces majeures décalées vers le haut d'un quart de ton (quatre mesures avant la fin) reprend le signal du début : le matériau harmonique et diastématique - conformément aux idées émises dans l'Esquisse d'une nouvelle esthétique musicale de Ferruccio Busoni - est enrichi par le quart de ton sans que ne soit mise en jeu la validité des catégories classiques tels l'accord et, de façon plus restreinte, la mélodie. La note-cible de la phrase d'ouverture - l'ut - est également le point final unisson de la composition entière ; et la répétition de la première phrase avec sa note-cible fa dièse dévoile des rapports plutôt classiques en tant que véhicule de la tension harmonique générale.
La combinaison de tous ces facteurs implique que l'auditeur du Deuxième Quatuor perçoit moins clairement la microtonalité. Si dans le Premier Quatuor elle était compréhensible et audible en tant que la dernière intensification d'une écriture chromatique touffue, elle ne constitue pas ici ce qui frappe immédiatement l'oreille (dans le cas d'intervalles supérieurs à la tierce majeure - et leur rôle est déterminant dans le Deuxième Quatuor - les différences entre les quarts de ton ne sont pas nécessairement toujours faciles à reconnaître, même pour un auditeur habitué). Il serait par contre erroné de considérer les quarts de ton comme des accidents ayant la fonction de colorer l'harmonie. L'apparente naïveté de l'écriture révèle précisément une attitude familière et naturelle vis-à-vis de la matière.
La légèreté de la déclamation n'est pas sans avoir été influencée par cette nouvelle musique que Wyschnegradsky entendit au cours des années 20 à Berlin et à Paris. Le rejet du mouvement de forme sonate et l'expérimentation avec certains ensembles obéissant à une dynamique formelle modifiée, l'«allure» générale sont - en comparaison avec le Premier Quatuor -, une preuve infaillible de l'influence de cette attitude qui recule devant l'absolu.
Dans le Deuxième Quatuor l'apparente discrétion de la microtonalité souligne encore le fait que Wyschnegradsky ne considérait l'«ultrachromatisme» que comme une couche de l'oeuvre d'art musicale, une couche dont dépend l'ensemble de la composition, quelque chose que le compositeur en travaillant n'avait plus besoin d'étaler à la surface de l'oeuvre ; et ce dernier aspect ne facilite absolument pas l'audition.
Klaus Ebbeke, pochette du CD "Intégrale des Quatuors de Wyschnégradsky, par le Quatuor Arditti"