Isidore Isou, né Isidore Goldstein le 29 janvier 1925 à Botoşani en Roumanie, arrive à Paris le 23 août 1945, avec une valise de textes et de manuscrits, des idées novatrices et la ferme intention de renouveler les arts ainsi que tous les domaines de la connaissance humaine.

Son mouvement, le « Lettrisme Â», qu’il thĂ©orise dès l’âge de 17 ans, se veut ainsi Ă  « l’avant-garde de l’avant-garde Â» en faisant suite au SurrĂ©alisme qu’il compte dĂ©passer. En 1942, Ă  la suite d’une intuition face Ă  une erreur, fĂ©conde et fondatrice, de traduction d’une phrase du philosophe Hermann von Keyserling, lisant « le poète dilate les voyelles Â» (au lieu de « vocables Â»), Isou entreprend d’anĂ©antir le mot jusqu’à la lettre, nouveau socle crĂ©atif, en annihilant le sens au profit du son. La lettre est, dans son système de crĂ©ation, une particule crĂ©ative unique qui vise Ă  une langue cosmique. Cependant, le Lettrisme ne se rĂ©duit pas qu’à cette poĂ©sie et cette musique Ă  lettres, car Isou va frayer un grand nombre de chemins et explorer un vaste champ de connaissances en dĂ©passant très largement la notion de « lettrisme Â» pour investir des territoires par une super-nomination qui lui est propre.

Dès son arrivĂ©e Ă  Paris en 1945, Isidore Isou rencontre Gabriel Pomerand avec lequel il fonde le mouvement. Ensemble, ils organisent les premières manifestations lettristes en 1946, rejoints alors par François DufrĂŞne, ainsi qu’une revue (la première d’une longue liste, souvent Ă  numĂ©ro unique) : La Dictature Lettriste, intĂ©grant un manifeste nommĂ© « Principes poĂ©tiques et musicaux du mouvement lettriste Â» dans lequel Isou pose les prĂ©misses de sa thĂ©orie poĂ©tique et musicale prĂ©figurant son ouvrage Introduction Ă  une nouvelle poĂ©sie et Ă  une nouvelle musique qui paraĂ®tra l’annĂ©e suivante chez Gallimard et qui contient ses premières pièces musicales, dont la Symphonie n°1 : La Guerre. Le 21 janvier, Isou perturbe la reprĂ©sentation de La Fuite de Tristan Tzara au Théâtre du Vieux-Colombier pour annoncer son mouvement poĂ©tique et ses principes fondateurs.

1949 est une annĂ©e charnière car Isidore Isou publie un traitĂ© d’économie politique, Le soulèvement de la jeunesse, et plusieurs personnalitĂ©s, qui fonderont ainsi ce que nous nommons souvent « le premier Lettrisme Â», adhèrent au mouvement : Jean-Louis Brau, Gil J Wolman et Maurice LemaĂ®tre. Il publie cette mĂŞme annĂ©e Isou ou la MĂ©canique des femmes, qui lui vaudra un petit sĂ©jour en prison. L’annĂ©e suivante, des rĂ©citals sont organisĂ©s au Tabou, lieu culte d’effervescence culturelle de Saint-Germain-des-PrĂ©s, qui sera le quartier et terrain d’action des lettristes. Isidore Isou publie aussi Les Journaux des Dieux, son premier roman « hypergraphique Â». En 1951, il rĂ©alise son film TraitĂ© de bave et d’éternitĂ©, qui fait scandale au Festival de Cannes, lors duquel le jeune Guy Debord, futur fondateur de l’Internationale Lettriste puis de l’Internationale Situationniste, dĂ©couvre Isou et son mouvement auquel il adhère pour un temps bref. Ă€ partir de 1956, Isou dĂ©veloppe « l’art infinitĂ©simal Â», et « l’Aphonisme Â» en 1959, annĂ©e oĂą Jacques Spacagna rejoint le mouvement. En 1960, Isou publie son second roman hypergraphique : Initiation Ă  la haute voluptĂ© et dĂ©veloppe son concept d’« Ĺ“uvre supertemporelle Â». Les annĂ©es 1961 et 1962 sont marquĂ©es par une intense production picturale d’Isou qui peint près de 200 toiles, dont la sĂ©rie des RĂ©seaux, ainsi que par la crĂ©ation de la « mĂ©ca-esthĂ©tique Â». Roberto Altmann adhère au mouvement. Suivront Roland Sabatier en 1963 et Alain SatiĂ© en 1964, puis Jean-Pierre Gillard, François Poyet en 1966, Jean-Paul Curtay en 1967 – qui publie, en 1974, un recueil intitulĂ© La PoĂ©sie lettriste aux Ă©ditions Seghers, et qui dirige, avec Gillard, un numĂ©ro de la Revue Musicale consacrĂ© Ă  la musique lettriste en 1971 – et Broutin en 1967. En 1968, annĂ©e marquĂ©e par l’intense climat politique que l’on connaĂ®t, prĂ©figurĂ© par Le soulèvement de la jeunesse, Isou passe quelques temps en hĂ´pital psychiatrique, confiĂ© aux soins du fameux Docteur Ferdière, l’occasion pour Isou d’écrire des traitĂ©s sur la psychopathologie et, plus tard, un troisième roman hypergraphique : Jonas ou le corps Ă  la recherche de son âme, Ă©ditĂ© par Broutin en 1984. En 1992, Isou publie le Manifeste de l’excoordisme, nouvelle Ă©tape de dĂ©passement thĂ©orique. En 1998, le compositeur et artiste sonore FrĂ©dĂ©ric Acquaviva le rencontre, alors isolĂ© et diminuĂ© dans son petit appartement, et lui propose de valoriser son corpus musical. Ce qui se concrĂ©tise, durant les dernières annĂ©es de la vie d'Isou alors particulièrement actives sur le plan musical, par divers enregistrements et orchestrations d'anciens travaux, par des rĂ©alisations de nouvelles symphonies et par des publications discographiques Ă©ditĂ©es par Al Dante et ÂŁ@B.

Isidore Isou meurt le 28 juillet 2007 à l’âge de 82 ans.

© Ircam-Centre Pompidou, 2020

sources

  • FrĂ©dĂ©ric ACQUAVIVA (dir.), Le Cahier du Refuge, numĂ©ro 163 : Isidore Isou, Marseille, Centre International de PoĂ©sie, cipM, Novembre 2007, Ă©ditĂ© Ă  l’occasion de l’exposition Introduction Ă  un nouveau poète et Ă  un nouveau musicien, 26 octobre 2007 – 19 janvier 2008, commissariat : FrĂ©dĂ©ric Acquaviva
  • FrĂ©dĂ©ric ACQUAVIVA, Isidore Isou, Neuchâtel, Éditions du Griffon, 2019
  • Isidore ISOU, Introduction Ă  une nouvelle poĂ©sie et Ă  une nouvelle musique, Paris, Gallimard, 1947
  • Isidore ISOU, L’AgrĂ©gation d’un nom et d’un messie, Paris, Gallimard 1947
  • Nicolas LIUCCI-GOUTNIKOV (dir.), Isidore Isou, Catalogue d’exposition, Paris, Centre Pompidou, 2019


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