Œuvre iconique et enveloppante, le triptyque Bleu (Bleu I, Bleu II, Bleu III) de Joan Miró nous plonge dans un bleu méditerranéen et inquiétant, qui nous transforme en navigateur dans des eaux amniotiques. Nous nous mettons à voyager dans les abîmes qui habitent l’âme de l’artiste, entrevoyant les monstres que vingt ans plus tôt il sublimait à travers ses Constellations, ou bien le paradis fertile de formes et signes organiques aux couleurs rutilantes, conquis avec passion quelques années avant de s’installer à Majorque dans l’atelier de ses rêves. Le triptyque Bleu sera le premier grand fruit de cette nouvelle étape – élaboré au cours d’un processus de concentration et d’exigence maximales : « D’abord le fond, tout bleu ; […] après une longue préparation, je me suis finalement mis à peindre : tous les mouvements de la brosse, ceux du poignet, la respiration d’une main intervenant aussi. »
Quelques secondes après avoir approché les immenses toiles du peintre, la couleur bleue nous engloutit et semble disparaître. L’univers des stries à la surface de la matière picturale, les zones de transparence et d’opacité, les étoiles noires ignées, contrepointées par trois mystérieux corps rouges, ainsi que deux très fines lignes de vie rythment notre intériorité et notre écoute. Après quelques minutes – ou heures – devant ces tableaux, on perçoit comment le triptyque exprime l’essence de notre existence. D’abord, une origine amniotique et cellulaire, une fusion totale avec le milieu environnant (Bleu I). Puis, une plénitude puissante, mais qui se débat entre certitude et mystère, entre ordre et chaos (Bleu II). Et pour clore le triptyque, la maturité proche de la mort, illuminée par une lucidité céleste mais énigmatique, qui entraîne un dépouillement et une simplicité proches du sublime (Bleu III).
« L’important n’est pas d’achever une œuvre, mais d’entrevoir qu’un jour elle permettra de commencer quelque chose » : en reprenant les mots du peintre, je propose une expérience musicale et psychoacoustique pour la Salle des concerts de la Philharmonie. Ainsi divisé en trois parties, chacune répondant au tableau correspondant, le trompettiste soliste, traité par l’électronique, forge un langage de plus en plus extrême, qui tisse à son tour une relation de plus en plus contrastée avec l’ensemble. Le deuxième mouvement est le plus complexe, puisque, sur un paysage sonore librement inspiré de la célèbre œuvre pour koto et voix Chidori no Kyoku du compositeur japonais Yoshizawa Kengyo, la trompette explore, presque sous forme de variations infinies, une cinquantaine de dessins de Miró tirés de son catalogue de 5 000 œuvres, qui couvre toute sa carrière, toute sa vie. Clément Saunier explorera ainsi une myriade de facettes contrastées et surprenantes du caractère et de la condition humaine, fabuleusement exprimées par Miró dans ses dessins.
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